DÉMARCHE ARTISTIQUE
L'image figurative de nature photographique est apparue dans l'œuvre de Marcel Marois dès la fin des années 1970. Découpées à partir d'un reportage journalistique, différentes parties d'une photographie ont été insérées dans les espaces structurés géométriquement du carton1. Puis, le tout a été tissé sur un métier de haute lice, l'image photoréaliste côtoyant les surfaces unies pour attirer le regard sur des réalités contemporaines saisies par la photographie d'actualité. L'année 1980 est une année charnière dans l'évolution esthétique des tapisseries de Marcel Marois; l'image photographique initiale sera modifiée par une succession d'interventions sur le carton, le photocopieur jouant un rôle essentiel pour l'altération de l'image. L'analogie avec la disparition sera liée aux thèmes tirés de désastres écologiques transmis par les médias de communication. L'image tissée ressaisit le fait journalistique désormais absent, le passage faisant apparaitre son effacement dans la mémoire collective tout en affirmant la force d'évocation de l'œuvre finale réalisée dans la lenteur du processus technique. La construction de la trame narrative s'est aussi approprié des éléments propres à la tapisserie ancienne en intégrant des textes tissés, des motifs inspirés de la nature ou la simultanéité de scènes aux temporalités différentes. La structure géométrique, toujours présente, a morcelé la composition, et l'ajout d'aquarelle sur les cartons a généré des atmosphères colorées particulières. L'interprétation a aussi évolué vers une approche pixélisée de l'image se traduisant dans le mélange des laines choisies pour chaque point tissé. L'artiste a peu à peu construit son langage dans la décomposition des couleurs et dans la vibration propre à ce type d'exécution. Les grandes fresques tissées qui seront créées à partir de cette syntaxe visuelle exprimeront à la fois le sens tragique de l'évènement relaté par le journal dans le vif de son actualité et son passage comme narration à caractère historique à travers l'esthétique propre à la tapisserie.
Les tapisseries récentes de Marcel Marois sont plus abstraites que celles exécutées durant les premières décennies de sa carrière. Elles n'ont cependant pas délaissé leur rapport au photographique qui subsiste dans les résidus d'images et dans la granulation du point tissé. Un paysage photographié sert de point de départ à de multiples transformations qui densifient les noirs, désagrègent les gris, ou effacent l'image jusqu'à sa quasi-disparition. L’artiste réorganise par la suite le carton en structurant des fragments découpés aux qualités de surface différentes, et en superposant des touches d'aquarelle aux formes singulières donnant l'illusion de flotter librement sur la surface. Un mouvement de coulée lente semble animer l'espace pictural comme une vidéo projetée au ralenti sur un plan fixe. La tapisserie traduira paradoxalement des qualités de fluidité, de transparence et de liberté gestuelle alors que l'oeuvre exige pour chaque point un mélange méticuleux de fils colorés. Dans l'accumulation de la trame tissée, le paysage de référence se transforme en un territoire pictural évocateur de phénomènes naturels dont la présence lumineuse s'inscrit dans la matérialité complexe et dense de l'œuvre.
1 - Le carton de tapisserie est un document créé par l'artiste concepteur avec les médiums de son choix, pouvant être de la dimension réelle du projet ou de plus petite dimension, et sert de guide pour l'exécution de l'œuvre tissée.
BIOGRAPHIE
Artiste reconnu dans le domaine de la tapisserie, Marcel Marois a vu sa carrière prendre un tournant international avec sa participation, en 1981 et en 1987, aux 10e et 13e Biennales internationales de la tapisserie de Lausanne, en Suisse. Il représenta par la suite le Canada dans plusieurs autres évènements d'envergure dont les 4e, 6e, 9e et 11e Triennales internationales de la tapisserie de Lódz, en Pologne, la Première triennale internationale de Tournai, en Belgique, et les 2e et 4e Biennales américaines de tapisserie. Parmi les autres évènements importants auxquels il a été invité à participer, on peut citer l’exposition de tapisserie contemporaine Kárpit Tapestry, qui a eu lieu en 2001 au Musée des beaux-arts de Budapest, en Hongrie, l'exposition Working with Nature – Twentieth Century Textile Art présentée en 2008 et en 2009 au Minneapolis Institute of Arts, aux États-Unis, et plus récemment, l'exposition ORI RHYTHM II International Tapestry Exhibition présentée en 2012 au Kyoto Art Center, au Japon.
Son travail est représenté par les Galeries Roger Bellemare et Christian Lambert à Montréal. On trouve ses œuvres dans de nombreuses collections publiques et privées, dont celles du Musée national des beaux-arts du Québec, du Musée Canadien de l'histoire, du Musée des beaux-arts de Montréal, du Minneapolis Institute of Arts, aux États-Unis, de la Fondation Toms Pauli, en Suisse, de la Cambridge Galleries, en Ontario et de la Ararat Regional Art Gallery, en Australie.
Il a été consultant canadien pour les 7e, 8e, 13e et 14e Triennales internationales de la tapisserie de Lódz, membre du jury pour la 4e Biennale américaine de tapisserie, et pour l’exposition Artapestry qui a eu lieu en 2005 au Danemark.
Il a reçu en 1988 le Prix du Central Museum of Textiles, à Lódz en Pologne, et en 1998 le Prix Saidye Bronfman. En 1984, il a été élu à membre de l'Académie Royale des Arts du Canada.
Plusieurs revues spécialisées lui ont consacré des articles, et certaines de ses oeuvres sont reproduites dans les trois ouvrages de référence: L'art textile, publié chez Skira en 1985; Tapestry, publié chez Phaidon Press en 1994; Art Textiles of the World : Canada, publié chez Telos Art Publishing en 2009.
Marcel Marois est professeur au Département des arts et lettres de l’Université du Québec à Chicoutimi.